Exposition « Prédictions, Les artistes face à l’avenir » à Cherbourg
Après le monastère de Brou, le musée Thomas Henry de Cherbourg présente jusqu’au 16 octobre 2024 l’exposition labellisée « d’intérêt national » Prédictions, Les artistes face à l’avenir. Ce thème transversal est considéré dans la sphère occidentale jusqu’à la fin du XIXe siècle avec de légères incursions (Foujita, Chagall) au XXe, dans les diverses variations qu’il rencontre selon les époques.
Le Moyen-Âge emprunte à la Bible pour représenter les prophètes, interprètes de la parole divine, qui seront de plus en plus individualisés au fur et à mesure que l’on avance dans le temps (Henri de Triqueti, Le Prophète Ezéchiel). Christianisées à la fin du Moyen Age, les sybilles, prophétesses païennes à l’origine, viennent annoncer la venue du Christ. Elles sont bien représentées dans l’exposition (atelier messin, La Prophétie de la Sybille de Tibur ; Jean Antoine Injalbert, étonnante Sybille de Panzoust).
Autres messagers de Dieu, les anges ne sont pas oubliés et particulièrement l’archange Gabriel annonçant à la Vierge qu’elle enfantera le Christ. Luc-Olivier Merson en donne une interprétation très personnelle en situant la scène dans une cour de ferme bretonne tandis que Gabriel effectue son annonce depuis un toit de chaume d’où s’enfuient trois colombes. Le Saint-Esprit se serait-il multiplié ? Cependant, le symbolique lys est présent devant Marie.
Ni Le Jugement dernier ni L’Apocalypse de Jean ne peuvent être oubliés (Léonard Foujita, triptyque de L’Apocalypse : Les Trompettes, Les quatre Cavaliers, La Jérusalem céleste).
Le répertoire antique fournit des exemples, appréciés surtout à partir de la Renaissance (Dirck Metius, La Prédiction de Cassandre ; Sébastien Bourdon, Le Sacrifice d’Iphigénie).
L’astrologue, présent depuis le XVe siècle, se différencie de l’astronome avec la création de l’Académie des Sciences en 1666 (Gonzales Coques, L’Astronome et sa femme).
Aucune Diseuse de bonne aventure caravagesque n’a pu être présentée mais le thème si populaire et exploité avec le succès que l’on sait depuis le XVIIe siècle (même si l’on trouve des exemples avant) est représenté par un superbe carton de Jean-Baptiste Leprince, qui témoigne encore du succès du sujet dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. De la Russie exotique de Le Prince, nous passons à l’Italie pittoresque de Jean-Victor Schnetz au XIXe siècle.
La tireuse de cartes, proche du thème de la Diseuse de bonne aventure, est encore présente avec Une sorcière tirant les cartes à une jeune fille de l’île d’Ischia de Jean-Claude Bonnefond et avec Les Saltimbanques de Gustave Doré, poignant tableau où la mère, serrant dans son giron l’enfant agonisant, apparaît comme une moderne Pietà, associée à la cartomancie qui prédit le terme funeste du petit acrobate. Clémentine Dondey élargit encore le thème avec sa Devineresse étudiant un livre de nécromancie, qui paraîtrait une simple paysanne en costume local sans le chat improbable (chat noir, bien sûr) aux redoutables canines, posté sur les épaules de sa maîtresse et qui nous fixe de son regard de feu.
La littérature fournit au XIXe siècle une nouvelle approche. Shakespeare inspire Théodore Chassériau (Macbeth et les trois sorcières) ou Jules-Alexandre Le Camus. Hippolyte Maindron et Jules-Eugène Lenepveu découvrent Velléda chez Chateaubriand.
L’occultisme qui se développe dans la deuxième moitié du XIXe siècle ne peut que s’intéresser au sujet. Les visions prophétiques d’une Jeanne d’Arc sont traitées de façons aussi dissemblables que possibles par Eugène Carrière ou Ernst Stückelberg.
Quant à Marc Chagall, il nous donne à voir, en plein XXe siècle (comme Foujita cité plus haut), Le prophète Isaïe en une représentation qui, synthétisant la venue du Christ, son martyr sur la croix, -préfiguration de la résurrection-, assure le lien entre Ancien et Nouveau Testaments.
Catalogue sous la direction des commissaires de l’exposition (Pierre-Gilles Girault et Magali Briat-Philippe à Brou, Louise Hallet et Paul Guermond à Cherbourg) avec plusieurs essais mais aussi des notices développées – et non un simple inventaire – des œuvres exposées.
Cherbourg, musée Thomas Henry, du mardi au vendredi : 10h-12h30 et 14h-18h ; samedi et dimanche : 13h-18h
Compte-rendu par Hélène Guicharnaud
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Brice Leibundgut (24 juillet 2024). Exposition « Prédictions, Les artistes face à l’avenir » à Cherbourg. Société de l’Histoire de l’Art Français (SHAF). Consulté le 6 décembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1236u
