Exposition Alexandre-Jean Dubois-Drahonet (1790-1834) au musée Lambinet de Versailles

Alexandre-Jean Dubois-Drahonet, qui a vu le jour à Paris, rue Saint-Honoré, le 31 décembre 1790, est un sujet de recherche possible tout autant pour les historiens de l’art que pour les historiens. En effet, les premiers peuvent s’intéresser à la carrière du très jeune garçon qui entre à l’École des beaux-arts, en mai 1804, où il suit les cours de Jean-Baptiste Regnault, tandis que les seconds lui préféreront les activités du jeune homme qui s’engage, en 1813, comme vélite (soldat d’infanterie légère) dans la Garde impériale et est versé au 2^ème régiment de chevau-légers, régiment plus connu sous le nom de « lanciers rouges ».

Mais les uns comme les autres seront obligés de collaborer au vu d’une grande partie de son art, celui d’un portraitiste qui va trouver nombre de ses modèles parmi les militaires qu’il côtoie et, par extension, dans leurs familles et dans tous les milieux liés à la geste guerrière et politique. Cette activité nous vaut, par exemple, plusieurs versions de son portrait de la duchesse de Berry (dont Amiens, Musée de Picardie), exposé en 1827, et de membres de l’entourage de celle-ci.

Ses nombreux envois au Salon, à partir de 1822, mettent largement en scène le monde des officiers et des sous-officiers. Les livrets, pas plus que la critique, ne nous révèlent l’identité des modèles lorsque figurent, cette année-là, des mentions telles que : Portrait de M. le marquis de la G***, lieutenant général, en grand costume des mousquetaires du Roi (n° 380) ou Portrait de M. le marquis de ***, maréchal de camp (n° 382). Plus étonnantes sont ses compositions inspirées par l’exaltation de la mémoire militaire telles celles, peintes en 1817 et conservées, représentant les fils du colonel Dedeban de Laborde honorant la mémoire de leur père : Édouard César (Boulogne-sur-Seine, Bibliothèque Marmottan) et Achille (Williamstown (Massachusetts), Sterling and Francine Clark Art Institute).

Le Major François Dumouceau (1790-1884) en uniforme du régiment de hussards n° 6 du Royaume-Uni des Pays-Bas, 1821, Soest (Pays-Bas), National Military Museum of the Netherlands

Au gré de ses garnisons, Dubois-Drahonet rencontre et peint de nouveaux modèles, ce qui nous vaut, par exemple, au début des années 1820, les portraits de proches du prince d’Orange, futur roi Guillaume II des Pays-Bas, et, à la fin de la décennie les images du duc de Clarence, futur roi Guillaume IV d’Angleterre, et de son entourage. Souvent à Paris, il est aussi le peintre attitré de quelques grandes familles comme celle de Martin Lefuel, conservateur du mobilier impérial (1820, Collection particulière) et de divers membres de sa famille dont le très jeune Hector Martin, futur architecte de Napoléon III (s.d., Collection particulière). C’est de la cour britannique que part une première commande – que la France relaie rapidement – celle de petits portraits de militaires, de même taille (environ 34,5×24,5 cm.), rendant compte des différents costumes, souvent annotés du nom des modèles qui les portent, dont une partie figure au Salon de 1833, l’année qui précède sa mort à Versailles, le 30 août.

À tout ceci, il faudrait encore ajouter quelques scènes de genre, bien que rares soient celles qui nous sont conservées comme Dupuytren faisant l’opération de la cataracte (1811, Sens, musées), présentée dans l’exposition.

Ces différents sujets et la manière de les traiter font penser à d’autres artistes de son temps et il est heureux de voir, après l’exposition pionnière du Grand Palais, en 2006-2007, Portrait publics. Portraits privés. 1770-1830, et les expositions consacrées, par exemple, à ses contemporains Paul Duval-Lecamus (1790-1854) et Claude-Marie Dubufe (1790-1864), au musée des Avelines de Saint-Cloud, en 2010 et 2018, que chercheurs et musées participent activement à une meilleure connaissance des portraitistes du début du 19^ème siècle trop longtemps méconnus.

Les Enfants du prince d’Orange, futur roi Guillaume II, 1824, Apeldoorn (Pays-Bas), Paleis Het Loo

La vie vagabonde de Dubois-Drahonet explique la dispersion de ses œuvres en Europe et il faut admirer le travail des organisateurs et du musée Lambinet qui ont réussi à réunir un ensemble de très haute qualité qui justifie le commentaire d’Auguste Jal, en 1824 : « M. Dubois, de Versailles, s’est fait remarquer depuis dix ans, par de bons morceaux dans le genre dont nous nous occupons [le portrait]. Cette année, il soutient sa réputation ; il faut lui faire compliment au sujet de cette étude de vieille femme [Octogénaire conduisant ses enfants à une Madone pour lui offrir des fleurs ; étude, n° 538, localisation inconnue, connu par la gravure], qui est à la fois bien peinte et bien expressive (A. Jal, L’Artiste et le philosophe. Entretiens critiques sur le Salon de 1824, Paris, Ponthieu, 1824, p. 341). »

Catalogue de l’exposition « « Alexandre-Jean Dubois-Drahonet (Paris, 1790-Versailles, 1834). Un talent retrouvé », sous la direction de Ronald Pawly, avec la collaboration d’Alain Pougetoux, Gand, Editions Snoeck, 2023, 160 pages.

Dominique Lobstein