La place d’une artiste femme dans sa communauté au Grand Siècle : Madeleine Boullogne (1646-1710) – Communication le 16 mars 2024 par Chloé Genet

Madeleine Boullogne, Trophées d’armes et instruments militaires @ Château de Versailles

Quatrième fille du peintre Louis Boullogne, membre fondateur de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, Madeleine Boullogne est née puis baptisée en l’église de Saint-Jean-en-Grève à Paris (à l’actuelle place de l’Hôtel de Ville) le 24 juillet 1646. Protégé dès ses débuts par « le patronage du Corps de la Ville de Paris »[1], Louis Boullogne est un peintre qui travaille beaucoup grâce aux commandes officielles, religieuses et privées (des riches notables parisiens). Également professeur à l’Académie Royale et reconnu pour ses grands talents de copiste, il ne cessera de travailler jusqu’à sa mort en juin 1674.

Appartenant donc à un important clan familial d’artistes-peintres, c’est tout naturellement que Madeleine fait de la peinture sa profession, à l’instar de tous ses frères et sœurs. Née moins d’un an après sa sœur Geneviève (baptisée le 22 août 1645), elle semble suivre une voie commune avec celle-ci. Formées par leur père, elles travaillent rapidement à ses côtés et notamment sur les chantiers royaux.

Toutes deux reçue à l’Académie, le 7 décembre 1669, elles deviennent les deuxième et troisième femmes à intégrer la prestigieuse institution royale. Madeleine y présente un tableau de fleurs, « une tige de pavaux, accompagné de quelque feuillage de chardon » aujourd’hui disparu et son morceau de réception est réalisé conjointement avec sa sœur, il représente « un amas de plusieurs desseins de figures faits d’après le modèle, et quelques-uns d’Architecture » également disparu[2]. Professionnelles reconnues pour la qualité de leur travail puisqu’on les trouve mentionnées aux inventaires de grands chantiers royaux, notamment celui de Versailles, les chemins des sœurs Boullogne vont pourtant se dissocier. Sans qu’on en connaisse la raison exacte, Geneviève semble interrompre sa pratique après son mariage au sculpteur Jean-Jacques Clérion en 1680. Quant à Madeleine, elle ne se marie pas et poursuit sa vie et sa carrière à Paris.

Décédée le 30 janvier 1710 à l’âge de 64 ans, on ne lui conserve aujourd’hui, attribués de manière certaine, que huit tableaux « dessus de portes » dans les appartements de la Reine à Versailles et au château de Rambouillet.

Ces tableaux ont vraisemblablement été réalisés en 1673 puisqu’on trouve cités dans le livret du Salon de cette même année « Six tableaux de trophées d’Armes faits pour Versailles par Mademoiselle Madelene Boullogne, avec un autre de fruits »[3] qui correspondraient à une partie de la commande royale achevée au moment de ce Salon.

Devant un corpus d’œuvres si mince au regard de la longueur de sa carrière et de la notoriété du clan d’artiste au sein duquel elle évoluait, il faut faire parler les rares documents qui heureusement ont traversé les époques et aller creuser dans toutes les archives, notamment son testament, qui pourraient conserver son souvenir et permettre de retracer une carrière encore si lacunaire aujourd’hui.

Communication présentée par Christine Gouzi

Samedi 16 mars 2024 à 17 h salle Walter Benjamin, rez-de-chaussée.

Communication du 16 mars 2024

[1] Amédée Caix de Saint Aymour, Les Boullongne, une famille de financiers aux XVII^e et XVIII^e siècles, 1919.

[2] Sandrine Lely, « Madeleine de Boullogne » Notice sur le site internet de la SIEFAR (Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime), 2003.

[3] Stéphane Loire, « Le Salon de 1673 », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1992, p.60.