« Le comte Edward Aleksander Raczyński et Paul Helleu. Le goût de la Belle Époque dans la collection de peintres français à la Galerie de peintures du château de Rogalin » – Colloque les 22 et 23 juin 2023

de gauche à droite : Ewa Leszczyńska, Sophie Barthélémy, Maciej Forycki et Maria Gołąb

C’est à l’initiative de Leszek Kańczugowski, directeur de l’Association Lubliniana, qu’a été organisé ce colloque au sujet aussi original que passionnant. Il débutait à l’Ambassade de Pologne à Paris le 22 juin, et s’est poursuivi à l’Académie polonaise des Sciences le lendemain.

Un mot d’accueil particulièrement émouvant fut prononcé par la petite-fille du collectionneur, la comtesse Viridianne Raczyńska-Rey, dans un français parfait.

Grâce à la communication de Maciej Forycki, on découvre que les Raczyński sont, depuis plusieurs générations, une illustre famille de la Grande Pologne ; le père d’Edward Aleksander, Bernard Raczyński, fut président de la République de Pologne en exil, de 1979 à 1986 à Londres.

Après une enfance passée à Rogalin, près de Poznań, le jeune comte voyage à travers l’Europe et s’installe à Paris ; il étudie le droit et fréquente les salons où culmine alors le goût français de la Belle Époque. Il mène à la fois une vie mondaine et aventureuse.  Ewa Pawlikowska a mis en perspective son destin parisien dans la vie littéraire et artistique, entre Paul Cazin, Marcel Proust, Romain Rolland, Paul Valéry ou Jean Cocteau.

Dominique Dumarest-Barracchi Tua a évoqué son héroïsme indéniable, quand il rejoint le bataillon des Zouaves pontificaux pour défendre Rome ; il est grièvement blessé en 1867 à la bataille de Mentana, qui constitue une défaite décisive pour les troupes de Garibaldi. Trois ans plus tard, il rejoint les rangs des troupes françaises au début de la guerre franco-prussienne, sous un nom d’emprunt.

Mais sa grande passion est la peinture. Dans son château de Rogalin, il constitue une galerie d’œuvres, qui est devenue la plus grande collection privée de peinture de Pologne, accessible au public dès sa création. Les présentations d’Ewa Leszczyńska et de Maria Gołąb ont décrit la création muséale de cette galerie de peinture et l’évolution de la collection. Edward Aleksander Raczyński acquiert d’abord des œuvres remarquables de peintres polonais, tels Jan Matejko, Olga Boznańska, Jacek Malczewski, Alexander Gierymski.

L’Ambassade de la République de Pologne en France, hôtel de Monaco

Vers 1890, il commence à acheter des œuvres européennes. Se rendant régulièrement à la Société nationale des Beaux-Arts, ou directement dans les ateliers des artistes, il constitue un ensemble de 160 peintures françaises. Elise Cambreling a décrit sa relation privilégiée avec Paul-César Helleu, dont il acquiert un tableau important, Aux régates, et auquel il commande son portrait, un magnifique dessin récemment redécouvert. Sophie Barthélémy a présenté deux artistes bordelais figurant dans la collection de Rogalin : François-Maurice Roganeau et Clémentine-Hélène Dufau. Puis André Cariou a détaillé les œuvres de Lucien Simon, de Charles Cottet et de la Bande noire. Jane Roberts a resitué les deux figures féminines de la collection au sein de l’œuvre de Jacques-Émile Blanche, et Sylvie Le Gratiet a fait de même pour La Lecture d’Eugène Carrière. Henri Le Sidaner, évoqué par Anne Galloyer, et Gaston Latouche, analysé par Damien Chantrenne, côtoient sur les murs de la galerie du comte Raczyński le célèbre Vertige de Denis Etcheverry, dont Benjamin Couilleaux a retracé avec humour la réception critique controversée. Chantal Beauvalot a rassemblé un faisceau d’indices permettant de penser que les trois tableaux d’Albert Besnard achetés par le comte l’ont été directement auprès de l’artiste, dans son atelier.

Enfin, Małgorzata Kierczuk-Macieszko a décrypté les effets de lumière présents dans la fascinante Vue nocturne du Louvre d’Aleksander Gierymski.

L’Ambassade de la République de Pologne en France, hôtel de Monaco

Bien d’autres artistes constituent cet ensemble remarquable, témoignant du goût personnel de son collectionneur, tourné vers une modernité qui reste teintée de classicisme, entre réalisme, post-impressionnisme et symbolisme, loin des avant-gardes du tournant du siècle. Le comte Raczyński est décédé à Cracovie le 7 mai 1926.

Ces passionnants échanges se sont achevés en beauté par un concert de piano d’un jeune virtuose ukrainien, promis à un brillant avenir, Ihor Panchenko.

Une publication des actes du colloque est prévue.

Compte-rendu de Nicole Tamburini

Programme du colloque